Contrairement au patronyme qu’elle s’est choisi, Lætitia Shériff n’est pas du genre à (faire) respecter la loi. Elle serait même plutôt de ceux qui la transgressent avec gourmandise, comme en atteste la liste de ses collaborateurs par le passé, tous des vandales de la bien-pensance musicale (l’immense saxophoniste de jazz François Jeanneau, la diva punk Lydia Lunch, le producteur de musiques électroniques Robert Le Magnifique, l’expérimentateur Noël Akchoté ou encore le guitariste polymorphe Olivier Mellano…).
En dix ans, sans aucun plan de carrière réfléchi à l’avance, la chanteuse/bassiste a su laisser son empreinte indélébile sur une poignée de disques exigeants, sous son nom ou bien sous un autre (Trunks), mais également dans des BO de documentaires, au cinéma, au théâtre ou dans des spectacles de danse.
Néanmoins la véritable performance de Lætitia Shériff, c’est de réussir à justement canaliser cette soif de liberté, à formater son audace formelle. Son dernier disque, Pandemonium Solace and Stars, est ainsi une petite merveille de rage lumineuse, de désespoir fertile, qui l’autorise désormais à marcher dans les pas d’illustres aînés comme Scott Walker, Neil Young ou Nick Cave. Bien sûr, dans sa discothèque personnelle, on imagine que les disques de Sonic Youth, Dominique A ou The Breeders tiennent également une place de choix. Elle en partage les obsessions en tout cas. Et l’art de la mélodie sournoise, comme par exemple celle du refrain de The Living Dead qui vous poursuit toute la journée.
Épaulée par son vieil ami Thomas Poli (guitariste de Montgomery et collaborateur de Dominique A), le batteur Nicolas Courret (Eiffel) ainsi que la violoniste Carla Pallone (Mansfield.TYA) invitée sur trois titres, Lætitia Shériff voyage ici entre la Daydream Nation de Sonic Youth et le Hips And Makers de Kristin Hersh, quand le son clair des guitares voudrait ignorer encore un instant le grondement inquiétant de la basse. Mais qu’elle vous attrape par le colback et vous crache son « Wash » au visage ou qu’elle vous bouleverse par l’intensité de son A Beautiful Rage II, la Shériff vous remue toujours de l’intérieur. Parce qu’au grain de sa voix, au son de ce disque équilibriste, on sent qu’elle ne triche pas. Qu’elle ne peut pas. It sounds like Love susurre la belle à la fin du Far & Wide tout en suspension qui clôture cet album. Il y a de ça effectivement.
Source : laetitia-sheriff.com
Bibliographie
Discographie :
The Anticipation, Yotanka/Impersonal Freedom, 2015
Pandemonium, Solace and Stars, album, Yotanka/Impersonal Freedom, 2014
Where’s my I.D ?, EP, Impersonal Freedom, 2012
Laetitia Shériff, (solo live), LP, Impersonal Freedom, 2010
Games over, album, Fargo Records, 2008
Musique pour le documentaire d’Hélène Desplanques, La communauté 28, 2007
Codification, album, Naïve, 2004