Entretiens avec Patrick Chamoiseau et Mario Canonge, par Brice Torrecillas
Lecture d’extraits de Frères Migrants (éditions du Seuil) par Maurice Petit
« À la croisée des langues, littératures françaises d’ici et d’ailleurs » , sur un tel sujet, comment ignorer l’apport essentiel de Patrick Chamoiseau ? Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde, prix Goncourt pour Texaco, le co-auteur de L’Éloge de la créolité définit le langage comme « le désir-imaginant de toutes les langues du monde ».
Dans cet épisode, nous l’entendrons notamment évoquer les mystères de la création, et nous franchirons en sa compagnie les frontières poreuses de la littérature pour rejoindre son ami martiniquais, le pianiste de jazz, Mario Canonge.
En ouverture, nous entendrons la lecture par Maurice Petit d’un extrait du discours qu’a prononcé Patrick Chamoiseau en janvier 2020 alors qu’il inaugurait sa Chaire d’écrivain en résidence de Sciences Po. Un texte qui fait part, selon ses propres mots, « d’une formidable énigme » qu’il continue d’explorer dans son tout dernier livre paru au Seuil, Le Conteur, la nuit et le panier.
Et enfin, des extraits de son essai poétique Frères Migrants, toujours lus par Maurice Petit, viendront conclure l’épisode.
Frères migrants
Texte de Patrick Chamoiseau (éditions du Seuil, 2018)
“ La poésie n’est au service de rien, rien n’est à son service. Elle ne donne pas d’ordre et elle n’en reçoit pas. Elle ne résiste pas, elle existe — c’est ainsi qu’elle s’oppose, ou mieux : qu’elle s’appose et signale tout ce qui est contraire à la dignité, à la décence. À tout ce qui est contraire aux beautés relationnelles du vivant. Quand un inacceptable surgissait quelque part, Édouard Glissant m’appelait pour me dire : « On ne peut pas laisser passer cela ! » Il appuyait sur le « on ne peut pas ». C’était pour moi toujours étrange. Nous ne disposions d’aucun pouvoir. Nous n’étions reliés à aucune puissance. Nous n’avions que la ferveur de nos indignations. C’est pourtant sur cette fragilité, pour le moins tremblante, qu’il fondait son droit et son devoir d’intervention. Il se réclamait de cette instance où se tiennent les poètes et les beaux êtres humains. Je ne suis pas poète, mais, face à la situation faite aux migrants sur toutes les rives du monde, j’ai imaginé qu’Edouard Glissant m’avait appelé, comme m’ont appelé quelques amies très vigilantes. Cette déclaration ne saurait agir sur la barbarie des frontières et sur les crimes qui s’y commettent. Elle ne sert qu’à esquisser en nous la voie d’un autre imaginaire du monde. Ce n’est pas grand-chose. C’est juste une lueur destinée aux hygiènes de l’esprit. Peut-être, une de ces lucioles pour la moindre desquelles Pier Paolo Pasolini aurait donné sa vie.” Patrick CHAMOISEAU
Production de l’épisode : Confluences / Réalisation : Qude / Entretiens : Brice Torrecillas / Musiques : Mario Canonge / Lecture : « Le conteur, la nuit et le panier : extraits du discours inaugural de la Chaire d’écrivain en résidence à Sciences Po » et de « Frères Migrants » de Patrick Chamoiseau (éditions du Seuil) lus par Maurice Petit / Musique du générique : Alexis Kowalczewski
La matière de l’absence, Patrick Chamoiseau Seuil, 2016
Frères Migrants, Patrick Chamoiseau, Seuil, 2018
Le Conteur, la nuit et le panier, Patrick Chamoiseau Seuil, 2021
Eloge de la Créolité, Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Gallimard, 1989
Eloges, Saint-John Perse, Gallimard, 1967
Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire, éditions Présence Africaine, 2000
La Lézarde, Edouard Glissant, Seuil, 1995
Épisode à découvrir à partir du 10 juin 2021
L’ensemble de la saison 1 est à écouter sur notre page podcast et sur les applications de podcast habituelles (Apple podcast, Spotify, etc.)