Invitée d’honneur : Maylis de Kerangal

Lettres d’automne 2023

 

Maylis de Krangal, photo_Francesca_Mantovani-GallimardMaylis de Kerangal

Maylis de Kerangal passe son enfance au Havre, avant des études à Paris. Elle travaille d’abord dans l’édition, chez Gallimard où elle publie notamment des guides de voyage, puis aux éditions jeunesse Le Baron perché. Après un séjour aux États-Unis, elle publie en 2000 son premier roman, Je marche sous un ciel de traîne, puis en 2003, La Vie voyageuse, toujours aux éditions Verticales. Elle s’implique dans le collectif d’écrivains Inculte qui crée une revue puis une maison d’édition.
Depuis Corniche Kennedy, paru en 2008, ses livres rencontrent un large public, sont traduits dans de nombreuses langues, et adaptés au cinéma comme au théâtre. Elle a reçu plusieurs prix littéraires parmi lesquels le prix Médicis, le Grand Prix RTL-Lire ou encore le Grand Prix de littérature Henri-Gal de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre.
À ce jour, Maylis de Kerangal a publié une quinzaine de romans et nouvelles publiés pour l’essentiel aux éditons Verticales, mais aussi des récits, livres pour la jeunesse, ouvrages collectifs….

 

« Le paysage vit dans l’oeil de celui ou celle qui regarde, dans l’oreille de celui ou celle qui écoute, dans tout ce qui sollicite le corps, l’imaginaire et la mémoire.
Loin de n’être qu’un décor plaqué à l’arrière-scène de nos existences, il en est le matériau, le ferment sensoriel, décline des géographies intimes et collectives, provisoires et mobiles, se forme dans l’enquête, l’étonnement ou la rêverie, se peuple de présences humaines ou animales, fait entendre les voix de la jeunesse ou de très vieux échos, se couvre de traces.
Plus que le socle de nos identités, il est le partenaire, l’acteur et le témoin de nos vies. Sa métamorphose nous questionne, sa destruction nous meurtrit.
D’une certaine manière tout paysage regarde vers la littérature, et toute littérature apporte son paysage.
Aux Lettres d’automne de Montauban, on passera les cols, on traversera les villes, on ouvrira les passagères, on entrera dans le « paysage de l’autre » autrement dit dans son écriture, dans sa langue, dans son tempo, on viendra sur son terrain pour écouter ce qui s’y joue, et comment ça se passe, et à quoi ça ressemble. On échangera nos paysages, nos espaces et nos sentiments.
À Montauban, fin novembre, et les jours seront denses et les nuits longues ! » Maylis de Kerangal

Bibliographie (extraits)

Un archipel. Fiction, récits, essais, Presses de l’Université de Montréal, 2022
Seyvoz, avec Joy Sorman, éditions Inculte, 2022
Canoës, éditions Verticales, 2021
Légendes des réserves, avec Jean-Philippe Delhomme (peintures), coédition Gallimard / Musée d’Orsay, 2021
Kiruna, La Contre Allée, 2019
Un monde à portée de main, éditions Verticales, 2018
Un chemin de tables, éditions du Seuil, coll. « Raconter la vie » 2016
À ce stade de la nuit, Paris, éditions Guérin, 2014
Réparer les vivants, Paris, éditions Verticales, 2014
Hors-Pistes, illustrations de Tom Haugomat, Thierry Magnier, 2014
Tangente vers l’est, éditions Verticales, 2012
Pierre Feuille Ciseaux, avec Benoît Grimbert (photographies), Le bec en l’air, 2012
Naissance d’un pont, éditions Verticales, 2010
Corniche Kennedy, éditions Verticales, 2008
Dans les rapides, Paris, éditions Naïve, coll. « Naïve sessions », 2007
Ni fleurs ni couronnes, éditions Verticales, 2006
La Vie voyageuse, éditions Verticales, 2003
Je marche sous un ciel de traîne, Paris, éditions Verticales, 2000

Littérature pour la jeunesse (album)
Nina et les oreillers, ill. Alexandra Pichard, éditions Hélium,

Adaptations au cinéma
Corniche Kennedy, par Dominique Cabrera, 2017
Réparer les vivants, par Katell Quillévéré, 2016
Naissance d’un pont,  Julie Gavras (en tournage)

Prix littéraires

2022 : Prix de la revue Études françaises pour Un archipel. Fiction, récits, essais
2017 : Wellcome Book Prize pour Mend the Living (tr. anglaise de Réparer les vivants)
2016 : Premio Boccace pour À ce stade de la nuit
2015 : Premio Letterario Merck pour Riparare i viventi (tr. italienne de Réparer les vivants)
2014 : Prix Premio Von Rezzoni pour Naissance d’un pont
2014 : Grand prix de littérature Henri-Gal, décerné par l’Institut de France sur proposition de l’Académie française, pour l’ensemble de son œuvre.
2014 : Prix Orange du Livre pour Réparer les vivants
2014 : Prix Relay17 pour Réparer les vivants
2014 : Prix des lecteurs de L’Express-BFM TV pour Réparer les vivants
2014 : Grand prix RTL-Lire pour Réparer les vivants
2014 : Prix Roman des étudiants France Culture-Télérama pour Réparer les vivants
2012 : Prix Landerneau, pour Tangente vers l’est
2010 : Prix Franz-Hessel pour Naissance d’un pont
2010 : Prix Médicis pour Naissance d’un pont

à lire

Lire un extrait

« Rouge », une longue fiction inédite, ouvre ce volume qui offre aussi vingt-deux textes, des récits et des essais de longueur variable, parus entre 2007 et 2022 en une vingtaine de lieux différents. Ensemble, ils composent un paysage unique et multiple au sein duquel la lecture emboîte allègrement le pas au récit tandis que l’attention portée à une texture, une voix, une image nous place, dans une langue vive et somptueuse, au coeur d’une recherche en mouvement constant, curieuse de tout. La prose de Maylis de Kerangal trouve, dans la brièveté, une densité et une force remarquables dont le lecteur ne peut qu’être frappé.

Vidéo Maison de la poésie

Tomi Motz, un ingénieur de 50 ans, est mandaté par son entreprise pour contrôler les installations du barrage de Seyvoz, dont l’édification dans les années 1950 avait provoqué l’engloutissement d’un village de montagne et la dispersion de ses habitants.
L’accomplissement de sa mission se voit empêché par une série de dérèglements sensoriels et psychiques faisant vaciller sa raison.

Lire un extrait

« J’ai conçu Canoës comme un roman en pièces détachées : une novella centrale, “Mustang”, et autour, tels des satellites, sept récits. Tous sont connectés, tous se parlent entre eux, et partent d’un même désir : sonder la nature de la voix humaine, sa matérialité, ses pouvoirs, et composer une sorte de monde vocal, empli d’échos, de vibrations, de traces rémanentes. Chaque voix est saisie dans un moment de trouble, quand son timbre s’use ou mue, se distingue ou se confond, parfois se détraque ou se brise, quand une messagerie ou un micro vient filtrer leur parole, les enregistrer ou les effacer. J’ai voulu intercepter une fréquence, capter un souffle, tenir une note tout au long d’un livre qui fait la part belle à une tribu de femmes — des femmes de tout âge, solitaires, rêveuses, volubiles, hantées ou marginales. Elles occupent tout l’espace. Surtout, j’ai eu envie d’aller chercher ma voix parmi les leurs, de la faire entendre au plus juste, de trouver un “je”, au plus proche. »

Écouter un extrait

Réparer les vivants est le roman d’une transplantation cardiaque. Telle une chanson de geste, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d’accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le cœur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l’amour.