Lettres d'automne #34

Du 18 novembre au 1er décembre 2024

Invités d’honneur : Jakuta Alikavazovic et Sylvain Prudhomme

Lettres d’automne 2024

Jakuta Alikavazovic

Née à Paris d’un père monténégrin et d’une mère bosnienne, Jakuta Alikavazovic publie en 2006 un recueil de nouvelles : Histoires contre nature (L’Olivier), puis l’année suivante Corps volatils, couronné par le prix Goncourt du premier roman.
Suivront plusieurs romans, toujours aux éditions de L’Olivier, parmi lesquels Le Londres-Louxor, La Blonde et le Bunker et L’Avancée de la nuit, chassé-croisé amoureux en proie aux traumatismes de la guerre en Bosnie, qui est élu « révélation française de l’année » par le magazine Lire.
En 2021, elle obtient le Prix Médicis essai pour le récit Comme un ciel en nous paru dans la collection « Ma nuit au musée » des éditions Stock.
Agrégée d’anglais, Jakuta Alikavazovic se consacre également à la traduction d’essais et de romans (dont Milkman d’Anna Burns et Beloved de Toni Morrison) et elle est chroniqueuse pour le journal Libération depuis 2019. En 2024, elle est titulaire de la chaire d’écrivain en résidence de Sciences Po.

« La langue que j’écris est une langue qui ne m’a été ni donnée, ni transmise. D’une façon très profonde, singulière, je ne la dois à personne – pas à des gens de chair et de sang, je veux dire ; pas à des bras, pas à des corps aimants.
Alors qu’elle est tout pour moi aujourd’hui, alors qu’elle est mes yeux, ma voix, je n’ai à elle aucune familiarité. Pour le dire autrement : en français j’ai été élevée par les livres comme d’autres enfants, en d’autres temps et en d’autres lieux, ont été élevés par des loups. »
Propos inaugural, chaire d’écrivain en résidence de Sciences Po, 2024

Bibliographie (extraits)

Faites un vœu, L’Olivier, 2022
Comme un ciel en nous
, Stock, 2021
L’avancée de la nuit, éditions de l’Olivier, 2017
La Blonde et le Bunker, éditions de l’Olivier, 2012
Le Londres-Louxor, éditions de l’Olivier, 2010
Roméo y Julieta (un cratère), éditions de l’atelier In8, 2008
Corps volatils, éditions de l’Olivier, 2007
Histoires contre nature, éditions de l’Olivier, 2006

Littérature jeunesse

Irina vs Irina, L’École des loisirs, 2012
Holmes et moi, L’École des loisirs, 2004
Leçon d’équilibriste n°1, L’École des loisirs, 2004

Prix littéraires

2007 : Bourse d’écrivain de la Fondation Lagardère pour Histoire contre nature
2007 : Prix Goncourt du premier roman pour Corps Volatils
2012 : Prix Wepler mention spéciale du jury pour La Blonde et le Bunker
2017 : Prix Zorba et Prix Castel pour L’avancée de la nuit
2017 : Révélation française de l’année pour le magazine Lire
2021 : Prix Médicis essai  pour Comme un ciel en nous

Sylvain Prudhomme

Sylvain Prudhomme a passé son enfance à l’étranger (Cameroun, Burundi, Niger, Ile Maurice) avant de venir étudier les lettres à Paris. De 2009 à 2012, il dirige l’Alliance franco- sénégalaise de Ziguinchor, en Casamance.
Il a été l’un des membres fondateurs de la revue Geste et a collaboré au journal Le Tigre, pour lequel il a notamment écrit deux feuilletons : Africaine Queen (2010), sur les salons de coiffure du quartier Château d’Eau, à Paris, et La vie dans les arbres (2011), sur les habitants des forêts de l’Ariège
Il a également traduit l’essai Décoloniser l’esprit, de l’écrivain kényan Ngugi wa Thiong’o (La Fabrique, 2011).
Auteur de romans, reportages et chroniques, Sylvain Prudhomme a publié une dizaine de livres salués par la critique et traduits à l’étranger, parmi lesquels Là, avait dit Bahi (L’Arbalète, prix Louis-Guilloux 2012), Les Grands (révélation française 2014 du magazine Lire), Par les routes (L’Arbalète, prix Femina 2019), Les Orages (L’Arbalète 2021) et L’enfant dans le taxi (Minuit, 2023).

« Celui ou celle qui écrit pourrait se contenter de vivre. Mais non, il ou elle éprouve le besoin de reprendre la vie, de patiemment la recréer dans l’ordre des mots, de se la rendre mieux intelligible en la triturant, la recomposant, la corrigeant, la malaxant. Dans mon cas c’est très net. Je vois bien que j’aime ce travail de déplacements, de décalages permanents, en bâtard, un pied dans le réel, un pied dans l’imaginaire ».
Entretien accordé à Diacritik, 2023

Bibliographie (extraits)

Coyote, éditions Minuit, 2024
L’enfant dans le taxi,
éditions Minuit, 2023
Les orages, L’Arbalète, Gallimard, 2021
Par les routes, L’Arbalète, Gallimard, 2019
L’Affaire furtif, L’Arbalète, Gallimard, 2018
Légende, L’Arbalète, Gallimard, 2016
Les Grands, L’Arbalète, Gallimard, 2014
Là, avait dit Bahi, L’Arbalète, Gallimard, 2012
Tanganyika Project, Léo Scheer, 2010.
L’Affaire Furtif, Burozoïque, 2010 (avec des dessins de Lætitia Bianchi)
Les Matinées d’Hercule, Serpent à plumes, 2007

Prix littéraires

2019 : Prix Femina et prix Landerneau des lecteurs pour Par les routes
2017 : prix François-Billetdoux 2017 de la SCAM pour Légende
2016 : prix Révélation 2016 de la Société des gens de lettres pour Légende
2016 : Finaliste du Grand prix de l’Académie française pour Légende
2015 : prix de la Porte Dorée pour Les Grands
2014 : prix Georges-Brassens pour Les Grands
2014 : prix Climax Musique et Littérature pour Les Grands
2014 : Révélation française de l’année 2014 par la rédaction du magazine Lire pour Les Grands
2012 : Prix Louis Guilloux pour Là, avait dit Bahi

à lire


« Certaines choses, il arrive qu’on ne veuille pas les voir, je le sais bien ; je suis comme tout le monde, une forme d’aveuglement ne m’est pas étrangère. Parfois, c’est un luxe. Un moyen de défense face à la violence du monde. Parfois aussi, l’aveuglement est la violence du monde, et on essaie d’imposer à l’autre de ne pas voir. »

En 2019, la rédaction de Libération a demandé à Jakuta Alikavazovic de tenir une chronique dans la rubrique « Écritures ». La mission : un texte par mois ; sujet libre. Que faire alors de cette contrainte alliée à une vertigineuse liberté ? Elle y répond à sa manière, car le monde offre toujours de quoi faire, plus que jamais quand on le regarde de biais, avec ironie, humour, un sens précieux du détail et une dose nécessaire de poésie. Dans ce livre, il est question d’un penny exposé au British Museum, de la mort d’un chat, d’un hamster et, parfois, d’espoir.


Si l’on s’en tient aux faits, l’auteure passe la nuit du 7 au 8 mars 2020 au musée du Louvre, section des Antiques, salle des Cariatides, avec un sac en bandoulière dans lequel il y a, entre autres, une barre de nougat illicite.

Les faits, heureusement, ne sont rien dans ce livre personnel, original, traversé d’ombres nocturnes et de fantômes du passé, de glissades pieds nus sous la Vénus de Milo, ce livre joyeux et mélancolique, qui précise vite son intention : « Je suis venue ici cette nuit pour redevenir la fille de mon père. »
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Pour écrire ce livre, Sylvain Prudhomme a parcouru en autostop les 2500 km qui séparent les deux extrémités de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Un périple qui lui a fait croiser des ouvriers, des camionneurs, un trafiquant de drogue, un artiste, une employée de station-service… Coyote restitue la voix de ces inconnus rencontrés au hasard de la route et donne à voir leurs visages, saisis à la volée.
À travers ces fragments de vie, Sylvain Prudhomme brosse un portrait sensible et humain de cette zone frontalière, qu’on ne connaît que par l’hyper-violence des faits divers et les discours de campagne de Trump.

« Je sais seulement que cela fut. Que ces deux bouches un jour de printemps s’embrassèrent. Que ces deux corps se prirent. Je sais que Malusci et cette femme s’aimèrent, mot dont je ne peux dire exactement quelle valeur il faut lui donner ici, mais qui dans tous les cas convient, puisque s’aimer cela peut être mille choses, même coucher simplement dans une grange, sans autre transport ni tendresse que la fulgurance d’un désir éphémère, l’éclair d’un plaisir suraigu, dont tout indique que Malusci et cette femme gardèrent longtemps le souvenir. Je sais que de ce plaisir naquit un enfant, qui vit toujours, là-bas, près du lac. Et que ce livre est comme un livre vers lui. »

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